L’économiste Mohamed Haddar : La Tunisie a besoin d’être complètement réformée

Mohamed_Haddar

Professeur Émérite d’Économie à l’Université de Tunis et Président de l’Association des Économistes Tunisiens et animateur du débat de la conférence “Grands Défis Économiques et Sociaux de la Tunisie et Perspectives”, Monsieur Mohamed Haddar s’est confié à 30Minutes pour apporter une réponse quant à la situation du pays. Entretien…

►30 Minutes| Amine Lahiba

Nous avons suivi votre conférence, et vous démontrez clairement que la croissance tunisienne n’atteindra les 5% qu’à l’horizon 2030. Or, l’agence de notation « Fitch Ratings » vient de dégrader la note souveraine tandis que la Banque Mondiale table sur un taux de croissance de 4% dès 2019. Où est la logique ?

En ce qui concerne la Banque Mondiale, il s’agit de projections. Les spécialistes  font leurs projections. Ensuite, ils révisent suivant la situation évolutive du pays. D’ailleurs on se base sur des données statistiques. La Banque Mondiale ne peut pas ignorer « Fitch Ratings », c’est indéniable. En revanche, ce que Fitch nous attribue c’est une note souveraine qui concerne beaucoup plus l’investisseur. C’est un indicateur qui répond aux craintes de l’investisseur pour savoir s’il pourra investir ou prêter de l’argent à tel ou tel pays. La notation c’est autre chose.

6 ans après la révolution, comment jugez-vous la situation économique du pays ?

Cette période est difficile. L’appareil économique est enraillé. Le chemin est encore long pour pouvoir se redresser. Et cela dépend de quelques paramètres très importants. Mais avant tout, c’est une question de croissance. Le problème est que cette dernière est molle, ce qui a généré beaucoup de problèmes. Et cela est dû à plusieurs éléments comme l’incertitude et l’instabilité à la fois politique et sociale.

Il y a eu des changements successifs dans le gouvernement tunisien durant la phase post-révolution. Quelles ont été les conséquences ?

Il y a eu 8 changements pour être exact. 8 gouvernements ne peuvent pas avoir de vision. Et notre problème c’est l’absence de vision justement. Bien sûr les problèmes de sécurité et d’instabilité ont joué un rôle prépondérant dans la chute de l’économie tunisienne. En fonctionnant ainsi, le pays ne saura pas trouver son chemin. C’est dramatique. Aucun gouvernement ne pourrait agir et sortir de cette crise en ayant que quelques mois comme durée de vie.

Le pouvoir d’achat du Tunisien ne cesse de baisser…

(Il coupe) Vous n’allez pas me parler du prix des tomates et des poivrons tout de même… (rires)

Justement. Pourquoi sommes-nous arrivés à un tel point ? C’est la faute à qui ? à quoi ?

Il y a des causes et des conséquences. C’est conjoncturel. Cette hausse des prix est due essentiellement aux conditions climatiques, le froid en l’occurrence. Les circuits de distribution également. Régie par des mafias, la distribution neprofite ni à l’agriculteur ni au consommateur.

Quelle est la différence entre la crise financière de 2008 et la crise que vit la Tunisie aujourd’hui ?

Cette crise de 2008 n’a pas réellement touché la Tunisie. Pour une raison simple : nous ne sommes pas très impliqués dans le système financier mondial. Le système bancaire tunisien a été donc épargné en quelque sorte. Nous étions en dehors de tout cela. Il n’empêche que nous l’étions indirectement car la majorité de nos exportations vont en Europe.

Le pays a-t-il besoin de réformes claires ?

Il y a plusieurs réformes. Pour faire plus simplement, le pays a besoin d’être complétement réformé. D’abord au niveau des codes des investissements, au niveau de la concurrence… C’est tout un ensemble. Mais j’ai l’intime conviction qu’il faudra des réformes beaucoup plus profondes que cela en a l’air.

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