Alexandre Mouelhi (agent de joueurs FIFA) :

La mentalité empêche le joueur tunisien de réussir

Paris, un jour de décembre. Sur une terrasse de café, nous rencontrons Alexandre Mouelhi, agent de joueurs FIFA et acteur majeur de quelques transferts médiatiques. Architecte de la signature de Saber Khelifa et Iheb Mbarki à Evian Thonon Gaillard, il revient aujourd’hui sur les traces indélébiles laissées par sa collaboration avec les clubs et joueurs tunisiens.

►30 Minutes| Amine Lahiba

A30 ans, Alexandre Mouelhi est un jeune agent de joueurs. Aujourd’hui confirmé et avec une licence luxembourgeoise, il officie majoritairement en France et en Tunisie. Le natif de Paris, qui a obtenu sa licence en 2006, exerce depuis déjà presque une décennie. Gérant de son entreprise, Génération Foot Management (GFM), il est réputé être très proche de ses joueurs. Dans son portefeuille figurent bon nombre de valeurs sûres du championnat tunisien.

Des années après avoir relancé des joueurs voués à une carrière ratée, Alexandre Mouelhi revient sur son expérience avec le football tunisien. Un chemin parsemé de difficultés et de « mauvaise foi ».

Ces dernières années, il s’est distingué dans certains transferts de joueurs bien connus du public tunisien, citons à titre d’exemple Khaled Ayari, Zouheir Dhaouadi ou encore l’expérimenté Sélim Benachour. Evoquant un de ses coups d’éclat les plus spectaculaires – la signature de Saber Khelifa à Evian Thonon Gaillard (Ligue 1) – Alexandre nous avoue qu’il s’agissait d’un « travail de longue haleine. Un travail où l’abnégation et la rigueur ont payé. » Avec du recul, il déplore l’état d’esprit du joueur tunisien et fustige le tempérament : « Avec son hygiène de vie et sa mentalité, il se donne tous les moyens d’échouer ».

 

La mentalité mais pas que

Un football « associatif », des structures mal organisées, des personnes gravitant autour des clubs et se revendiquent vice-président, responsable de la cellule recrutement ou autre, font de la scène footballistique tunisienne un énorme tas de chaos ou personne n’arrive à se situer. Et notre interlocuteur du jour en a fait les frais. « En Tunisie, tu ne sais pas à qui t’adresser pour défendre les droits d’un joueur. Tout le monde veut sa part du gâteau », regrette Alexandre. Pour lui, la solution est simple : professionnaliser pour de vrai le sport. « Si cela devient du football entreprise, les relations deviendront beaucoup plus simples ». En pointant du doigt ce manque d’organisation, l’ancien agent de Saber Khelifa revient sur un épisode qui a marqué sa carrière : le transfert du latéral droit Iheb Mbarki du CAB à Evian. Durant cet épisode, celui qui a du attendre des années et un procès pour être payé « en [a] vu de toutes les couleurs ». Muni d’un mandat pour placer les joueurs bizertins en Europe, Alexandre Mouelhi prend en charge le dossier du jeune défenseur, à l’époque méconnu et « sortant d’une saison blanche ». Le montant de la transaction, estimé à 950 mille dinars, constitue 50% du budget du club à l’époque. Mais, mystérieusement, la somme disparaît des comptes du CAB. « Quand des personnes (Ndlr : Mehdi Ben Gharbia, ancien président du CAB) se servent des clubs pour s’enrichir personnellement, le football en paye les frais », explique celui qui a fait la Une des journaux en Tunisie en 2014, peu surpris. Cette affaire, certes éprouvante, s’est bien soldée, et l’agent a été payé. Un paiement échelonné des 40 967 euros (plus intérêts) a permis de résoudre l’affaire. « La FIFA a statué là-dessus, et j’ai été réglé », nous rassure-t-il.

En manque de reconnaissance, il n’hésite que peu à dézinguer ses anciens protégés avec lesquels les ponts sont rompus. Avec un souvenir amer et des relations aujourd’hui tendues, l’agent privilégié de l’ETG blâme l’ingratitude de quelques-uns (Ndlr : en parlant d’Iheb Mbarki, mais aussi de Saber Khelifa) : « Une fois le contrat signé, plus de nouvelles, plus de réponses. Ils ont fait comme si je n’existais pas ».

 

Ces déboires, s’ils démontrent la mauvaise foi apparente et une gestion parfois douteuse, en disent long sur l’intérêt que portent les décisionnaires du football. Un intérêt basé sur l’appât du gain. « Quand vous avez des dirigeants qui fonctionnent ainsi, que voulez-vous demander aux joueurs. Ils sont à l’image de leurs décisionnaires », dixit Alexandre, presque désolé.

Avant de nous quitter, le Franco-tunisien tient à préciser que les cas cités ne sont heureusement pas légion. « Un joueur comme Khaled Ayari (Ndlr : US Orléans, Ligue 2) vous fait aimer votre métier. Facile à vivre et travailleur acharné, il réussira un jour parce que le travail paie souvent ».

 

Sur l’avenir de ses poulains, il « travaille déjà. Khaled doit faire une bonne saison pour repartir sur de bonnes bases. Quant à Sofien Moussa, il vient de faire une année honorable à Tromso (Norvège) et nous sommes en contact avec des clubs turcs et français ». Son mercato s’annonce donc mouvementé cette année.

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